• La star et ses gourous

    La star et ses gourousTerriblement inquiète quant à ses capacités de comédienne, Marilyn s'est entourée tout au long de sa carrière de professeurs brillants, en qui elle aura tendance à chercher aussi des figures parentales. Pour le meilleur et pour le pire... Alors qu'elle vient de décrocher son tout premier contrat à la Twentieth Century-Fox, Marilyn se voit envoyée en 1947 à l'Actor's Laboratory, où de nombreuses recrues du studio viennent étudier l'art dramatique. Créé par les membres d'un collectif de metteurs en scène new-yorkais, le Lab de Los Angeles est à la fois un lieu de formation et de spectacles. Marilyn, qui n'a connu jusqu'alors que l'atmosphère superficielle des studios de cinéma, est immédiatement éblouie par ce temple dédié au théâtre d'avant-garde. Au fil des séances de travail, Marilyn y découvre la première version d'Un tramway nommé désir, de Tennessee Williams, et s'enthousiasme pour la pièce Le Démon s'éveille la nuit, sans se douter qu'elle obtiendra bientôt un petit rôle dans sa version cinématographique. Pendant les cours, la jeune femme écoute religieusement les conseils délivrés par son professeur Phoebe Brand, qu'elle admire profondément : «Je n'avais jamais vu, ni même lu, correctement une pièce de théâtre. Grâce à Phoebe, on croyait être à New York...» Mais de son côté, le professeur regrettera de ne pas avoir poussé davantage son élève : «à plusieurs reprises, j'ai essayé de l'approcher, de mieux la connaître, sans résultat. Marilyn était si réservée. A l'époque, je n'ai pas su déceler l'intelligence et l'humour de son jeu, ce style pétillant qui l'a rendu célèbre plus tard. Je devais être aveugle.» En fait, les séances collectives ne conviennent guère à la timidité maladive de Marilyn. Mais celle-ci ne va pas tarder à rencontrer un professeur particulier.

  • La star et ses gourousEn avril 1948, la Columbia confie en effet Marilyn aux bons soins d'une de ses répétitrices, afin de lui faire préparer son rôle dans Les Reines du music-hall. Professeur d’art dramatique attachée à la Columbia, Natasha Lytess est une comédienne allemande ayant fuit le régime nazi qui se donne des airs de dramaturge russe et vit à l'époque de leçon de théâtre. Exigeante et péremptoire, elle fascine d’emblée la jeune Marilyn, dont elle devient en 1948 la coach attitrée. D'emblée, le professeur impose à Marilyn un rythme de travail très strict, et la pousse à toujours plus d'exigence, prônant un jeu très intellectualisé. Peu à peu, cette forte personnalité entreprend de régenter la vie de Marilyn, qui va trouver en elle une figure maternelle. La relation entre les deux femmes est bientôt si forte que Marilyn vivra durant certaines périodes chez Natasha, ce qui permet à celle qui est devenue sa coach officielle de la faire travailler encore davantage. Jouissant d’un pouvoir considérable, elle n’hésite pas sur les tournages à diriger elle-même l’actrice à la place des metteurs en scène, qui la détestent tous cordialement. Sur les tournages, Natasha devient la bête noire des réalisateurs. En effet, Marilyn ne tient absolument pas compte de leurs indications, mais s'en remet totalement à l'avis de son professeur, qui par un signe connu d'elles seules lui indique à la fin d'une scène s'il lui paraît nécessaire de la recommencer. Or Natasha demande systématiquement à Marilyn de refaire les prises, et ce jusqu'à des dizaines de fois ! Tour à tour, Fritz Lang, Howard Hawks, Jean Negulesco et Otto Preminger tenteront de la renvoyer, mais à mesure que le pouvoir de Marilyn grandit, elle obtient toujours la réintégration de sa coach, parfois même avec une augmentation de salaire... Certains ont d'ailleurs vu, dans cette manière qu'avait Natasha de fragiliser Marilyn, un moyen de conserver avant tout son emploi. Mais il semble pourtant que la manipulation ne se soit pas exercée à sens unique : Natasha était amoureuse de Marilyn, qui n'ignorait pas ce sentiment et en a beaucoup joué pour obtenir de son professeur le soutien psychologique dont elle avait tant besoin. Quoi qu'il en soit, Natasha sera pendant six ans l'alliée la plus fidèle de l'ascension fulgurante de Marilyn. Jusqu'à ce que la star se réfugie fin 1954 à New York, où d'autres personnages vont entrer en scène, mettant ainsi un terme à cette relation exclusive, et prenant ses distances avec cette femme trop possessive.


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  • La star et ses gourousSe conformant aux conseils de Natasha Lytess, Marilyn se met à suivre à partir de 1951 des cours particuliers avec Michael Tchekhov, professeur au prestigieux parcours. Outre qu'il est le neveu du dramaturge Anton Tchekhov, ce russe d'origine a en effet été nominé à l'Oscar pour son rôle de psychanalyste dans La maison du docteur Edwards d'Alfred Hitchcock, et il compte à l'époque parmi ses élèves des acteurs comme Yul Brynner et Gregory Peck. Impressionnée, Marilyn se lance sous sa direction dans un travail axé principalement sur l'expression corporelle, même si, comme Natasha, Tchekhov accorde également une grande importance à l’intellect. Devenant de plus en plus anxieuse à l'idée de décevoir un professeur qu'elle estime tant, Marilyn aura bientôt recours à sa méthode habituelle, en arrivant très en retard aux leçons, ou même en ne venant pas du tout. Excédé, Tchekhov finit par annoncer à Marilyn qu'il ne souhaite plus l'avoir comme élève. Mais la jeune femme le supplie de la garder... Plus tard cette année-là, Marilyn envoie à son professeur, en guise de remerciement, un portrait d'Abraham Lincoln avec ces mots : «Lincoln était l'homme que j'admirais le plus quand j'étais écolière. Maintenant, c'est vous.» Pour autant, Tchekhov ne chercha jamais à tirer parti de l'énorme influence qu'il avait prise sans le vouloir sur sa jeune élève, se contentant de lui insuffler comme il pouvait un peu de confiance en elle dont elle manquait si cruellement...


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  • La star et ses gourousÀ son arrivée à New York en 1955, Marilyn suivit des cours d’art dramatique auprès de Constance Collier (1878-1955), une vieille anglaise de près de 80 ans, grande comédienne de la scène londonienne. Elle était arrivée à Hollywood à la fin de sa vie pour interpréter au cinéma des rôles de vieilles dames excentriques notamment dans Anna Karenine (1935), Le Petit Lord Fauntleroy (1936), Pension d’artistes (1937), La Duchesse des bas-fonds (1945) et Un mari idéal (1948). Après 1950, elle s’était installée ensuite à New York où elle enseigna et eut notamment comme élèves Vivien Leigh, Katharine Hepburn et Audrey Hepburn. Marilyn trouva en Constance une femme droite et honnête qui parvint à cerner précisément les qualités de son élève et à lui procurer la confiance qui lui faisait tant défaut. Elle estimait que Marilyn n’était pas une comédienne dans le sens littéral du terme et que jamais elle ne pourrait monter sur une scène de théâtre. Son jeu subtil, sa présence, sa luminosité ne pouvaient être perçus que par le truchement de la caméra. Pour elle, comparer la jeune femme à Jean Harlow était une erreur. Elle jugeait que son talent ne s’était pas encore révélé mais qu’elle pourrait, un jour, devenir une grande actrice. Malheureusement, Constance Collier mourut en avril 1955. Marilyn se rendit à son enterrement avec son ami Truman Capote. Si le décès de son professeur ne s’était pas produit si rapidement après son arrivée, peut-être n’aurait-elle jamais cherché un autre professeur d’art dramatique. Elle le trouva en la personne de Lee Strasberg. Cette rencontre allait transformer entièrement son avenir et développer des troubles dont elle ne parvint jamais à se guérir. «C’est une merveilleuse enfant. Je ne pense pas qu’elle soit une comédienne, en tout cas pas au sens traditionnel du terme. Ce qu’elle possède - cette présence, cette luminosité, cette intelligence à fleur de peau - tout cela ne passerait pas la rampe au théâtre. C’est si fragile et si subtil que seule la caméra peut le saisir… Mais tous ceux qui pensent que cette fille est simplement une autre Jean Harlow ou quelque chose du même genre, sont cinglés. J’espère, j’espère vraiment de tout mon cœur qu’elle vivra assez longtemps pour laisser s’exprimer cet étrange et merveilleux talent qui l’habite comme un esprit en cage.» tel est le jugement très juste que portait Constance Collier sur Marilyn Monroe.


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